jeudi 9 juillet 2015

L’interview de « On Think Tanks » : Gilles Yabi du WATHI, le think tank citoyen d’Afrique de l’Ouest

Gilles Yabi est l’initiateur du WATHI, un think tank citoyen pour l’Afrique de l’Ouest qui est en phase de lancement. Économiste de formation, il a été auparavant directeur régional d’International Crisis Group et journaliste à l’hebdomadaire  Jeune Afrique. Originaire du Bénin, il réside à Dakar, la capitale du Sénégal. C’est un blogueur prolifique qui se décrit comme «obsédé par l'état de l'Afrique et de ses habitants au cours des cinq prochaines décennies ». Le lancement du site web du WATHI est prévu pour septembre 2015.

Till Bruckner: Vous avez travaillé pour l'un des think tanks les plus en vue dans le monde et avez écrit pour la publication sur l’Afrique qui est sans doute la plus influente. N’est-ce pas un pas en arrière pour vous, que de mettre en place un groupe de réflexion, un think tank?

Gilles Yabi: Non, c’est juste une étape différente de ma vie professionnelle. Cela relève en fait davantage de l’engagement citoyen et d’une certaine idée de ce qui est important dans la vie que d’une nouvelle orientation professionnelle. Je pense qu’il n’y a aucune raison d'attendre l'âge de la retraite pour lancer un projet que je trouve excitant et pour prendre des risques. L’idée m’est venue lorsque j’étais encore un étudiant en doctorat en France. Je voulais faire quelque chose d'utile et d’original dans la région, et un groupe de réflexion peut encore être original en Afrique de l'Ouest. Le concept est nouveau, même pour beaucoup de gens très instruits ici, surtout dans les pays francophones. Les think tanks de la région se trouvent principalement au Ghana et au Nigéria.

TB: Pourquoi les think tanks moins bien connus en Afrique francophone?

GY: Les think tanks sont rares ici. Dans la tradition de la recherche française, les universitaires en général ne visent pas à influencer les politiques publiques ou ne veulent pas le faire ouvertement. Cependant, la mondialisation est en train d’effacer ces différences dans les traditions de politique et de recherche. De plus en plus d’Africains, originaires des pays francophones, ont étudié ou étudient aux États-Unis et au Canada et ont été exposés à de nouvelles influences; ils veulent s’inspirer des modèles qu'ils voient là-bas. Il y a un intérêt croissant pour les think tanks dans la région, mais il est largement poussé par des initiatives individuelles plutôt que par une demande croissante des gouvernements pour obtenir des conseils stratégiques ou de politiques publiques émanant d’organisations de recherche ou de réflexion indépendantes.

TB: Où voyez-vous les lacunes dans les politiques de recherche dans la région ouest-africaine?

GY: Il y a eu un sous-investissement dans l'enseignement supérieur depuis des décennies à travers le continent, mais surtout dans les pays francophones. Par exemple, en ce moment même, nous avons des difficultés à trouver des stagiaires titulaires d'un Master qui puissent écrire une lettre de motivation en français sans faire trois fautes dans le premier paragraphe. Ce n’est pas de leur faute mais la conséquence de la faillite du système éducatif dans la plupart des pays de la région. Depuis le milieu des années 1980, les réformes des finances publiques induites par la crise financière, et soutenues par les organisations internationales, ont considérablement réduit les budgets de l'éducation et les fonds restants ont été très peu affectés à l'enseignement supérieur. Le problème va au-delà des ressources, cependant. Il y a un manque d'orientation et de vision stratégique. Les élites dans tous les pays peuvent envoyer leurs propres enfants à l'étranger pour y obtenir une bonne éducation universitaire, et ont de fait négligé ce secteur. Changer le statu quo impliquerait de faire des choix difficiles et de le faire face à de puissants groupes d’intérêts. Les dirigeants sont réticents à faire la moindre réforme.

TB: Comment jugez-vous les capacités de formulation de politiques par le secteur public dans la région?

GY: Cela varie beaucoup d'un pays à pays, et souvent dans un même pays, d'un ministère à l'autre. De manière générale, il n’y a pas de structures qui favorisent l’élaboration de bonnes politiques, de sorte que beaucoup dépend des individus et de leurs qualités personnelles. Quand un « bon » nouveau ministre prend ses fonctions, vous pouvez souvent voir des améliorations significatives. Deux ou trois personnes compétentes au sommet peuvent faire une réelle différence. Les changements peuvent ne pas être très compliqués ou sophistiqués, ils portent plus sur de petits aménagements qui font fonctionner de manière à peu près correcte le secteur public, comme par exemple la rédaction de fiches de description de poste claires afin que chacun sache quel est son rôle. Dans certains ministères et autres institutions publiques importantes, il n’y a même pas de réunions régulières de brainstorming sur les questions majeures de politiques publiques.

TB: Comment les décisions politiques sont prises dans de tels contextes?

GY: Les décisions très importantes sont généralement prises par le président, qui à son tour est influencé par ses conseillers, à la fois officiels et officieux. Certains de ces conseillers peuvent être motivés par leurs propres intérêts personnels. Les membres de la famille, y compris les conjointes et d'autres parents, peuvent aussi avoir une influence. En ce qui concerne les décisions où les risques et opportunités de nature financière sont minimes, les équipes techniques dans les ministères peuvent jouer un rôle et elles le jouent.

TB: Comment les processus de formulation de politique publique peuvent-ils être améliorés?

GY: Pour voir un réel changement, nous avons besoin de réformes institutionnelles. En particulier, il doit y avoir une distinction entre les nominations politiques et celles qui ne doivent pas être dictées par les affiliations politiques. Par exemple, le Ghana a une commission nationale chargée de superviser le processus de recrutement des fonctionnaires, ce qui limite les abus et les nominations politiques. Dans les pays francophones, trop de postes relèvent des affiliations politiques et des responsabilités importantes sont ainsi confiées aux amis des amis du chef de l'État.

TB: Aux États-Unis, des milliers de nominations politiques sont aussi faites à chaque fois qu'un nouveau président prend le pouvoir ...
GY: Les États-Unis disposent d'un grand bassin de personnes qui peuvent être partisanes tout en étant compétentes et conscientes des exigences éthiques associées à une position dans l’administration publique. Ce système peut donc fonctionner là-bas.

TB: Et en Afrique de l'Ouest, le bassin de personnes compétentes est tout simplement trop petit?

GY: Les ressources humaines compétentes dans les pays africains sont beaucoup plus importantes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient auparavant, mais elles sont encore faibles au regard de l’ensemble de la population et des défis immenses auxquels les pays sont confrontés. Nous avons besoin de plus que cela. Il ne suffit pas d'avoir des doctorats et autres diplômes d’enseignement supérieur. Nous avons besoin, dans chaque pays, d'une plus grande partie de la population qui soit compétente, ou aspire à être compétente, dans le travail qu'ils font. La réalité est que beaucoup de jeunes gens doués vont étudier à l'étranger, puis y restent pour travailler. Nous ne pouvons pas sous-estimer l'effet de la mondialisation sur les ressources humaines africaines. Les personnes très instruites ont plus de possibilités d’emploi à l'échelle mondiale aujourd'hui. Même en restant dans leurs pays, ils peuvent travailler aux conditions du marché  international, pour les agences de l'ONU ou pour des ONG internationales,  comme Crisis Group (rires). Ils peuvent travailler comme ministre ou à des postes de très haut niveau dans leur pays, mais pas en dessous de ce niveau, notamment parce que les salaires du secteur public sont inférieurs à ceux payés par de grandes ONG internationales, pour ne pas mentionner les agences de l’ONU et leurs généreux avantages. Incidemment, les organisations internationales sont un facteur important dans l'affaiblissement des États dans cette région. Nous avons besoin d'États plus forts, mais cela est impossible à réaliser si les gens les mieux formés et les moins corrompus ne sont pas intéressés à travailler pour l'État.

TB: Donc, pourquoi vous ne rentrez pas dans un gouvernement, plutôt que de créer un think tank?

GY: Dans un ministère, même si vous êtes le ministre, vous pouvez être en mesure de faire quelques changements, mais vous ne pouvez pas réformer le système et la culture politique et administrative. Typiquement, dans cette région, les ministres ne restent en poste que pendant un an ou deux, puis ils sont remplacés. Ceux qui veulent faire trop de réformes ont tendance à être congédiés encore plus rapidement. Et n’importe qui  peut s’attendre à être [le prochain] ministre s’il a une relation privilégiée avec le président. Cela dit, on ne m’a jamais proposé d’être ministre de quoi que ce soit, et je ne pense pas avoir les qualités et l'expérience pour un tel poste.

TB: Alors où se situera votre laboratoire d’idées dans tout cela?

GY: Les États et les sociétés de la région doivent changer. Les systèmes doivent changer: les systèmes politiques, économiques et éducatifs, ainsi que les systèmes de valeurs. Je suis en train de mettre en place un laboratoire d’idées avec un large groupe d'amis et de connaissances car nous avons besoin de mettre des questions sur la table, celles que nous considérons cruciales pour l'avenir de l'Afrique de l'Ouest en particulier. WATHI n’est pas un think tank classique, reposant sur des experts maison dans des domaines spécifiques. Le but est de créer un think tank participatif. L'objectif n’est pas de produire de gros rapports sophistiqués mais plutôt d'agir comme un filtre intelligent pour les connaissances déjà disponibles, utiles et à les partager aussi largement que possible pour stimuler le débat et les réformes dans les pays de la région. Par exemple, peut-être qu’il y a une étude vraiment pertinente sur l'éducation en Malaisie, sur le système de l'administration publique en Suède ou sur la formation professionnelle au Costa Rica. Nous aimerions prendre cette information, la disséquer et la rendre accessible à un plus large public, en langue française, si les documents disponibles sont en anglais seulement. L'accès aux connaissances en français est limité, et la plupart des gens ici ne lisent pas l'anglais.

TB:   Et le « participatif » dans tout cela ?

GY: Une pièce maîtresse de notre travail sera « Le Débat du mois ». Nous avons beaucoup de débats dans cette région, mais ils sont généralement peu productifs car nous avons tendance à poser des questions génériques, à dédaigner les informations factuelles et à oublier de réfléchir sur les solutions aux problèmes que nous posons et les façons de faire pour que des changements surviennent. Par exemple, nous discutons des problèmes de l'enseignement supérieur sans mentionner les choix difficiles inévitables qu’implique tout effort de réforme, compte tenu des ressources limitées dont disposent les pays de la région. Ce que WATHI va faire dans le cadre des débats virtuels chaque mois, c’est inviter les gens dans tous les pays d’Afrique de l'Ouest à proposer des articles et des commentaires sur le site Web, de partager leurs connaissances, observations et des suggestions pour résoudre les problèmes concrets dans un domaine précis. Chaque rubrique du site de WATHI aura son objectif spécifique. Par exemple, une rubrique permettra aux fonctionnaires retraités, à d’anciens responsables publics et privés et à d’autres de partager leurs expériences personnelles avec les jeunes générations plutôt que de laisser simplement leur expérience et leurs connaissances précieuses disparaitre. Nous voulons que WATHI soit un facilitateur pour le partage de connaissances, pour la réflexion et l'action collective sans établir une hiérarchie entre les contributeurs; et sans perdre de vue les défis concrets et particuliers des pays et des peuples de la région.


GY: Le web est le média de la spontanéité, de l’immédiateté, qui ne facilite pas vraiment la réflexion. Nous voulons l'utiliser pour avoir des échanges sérieux sur un seul grand sujet pendant tout un mois. Nous allons fournir des documents d'information et d’analyse et démêler le grand sujet en sous-questions. Je ne sais pas si cela va fonctionner. Si nous n’essayons pas, nous ne le saurons jamais.

TB: Allez-vous également tenter d'influencer directement la politique à travers des rapports, des séances d'information, conférences de presse, et d'autres approches classiques des think tanks?

GY: Nous allons influencer les choses en mettant les questions d’abord sur la table et nous allons le faire d'une manière qui nous oblige à réfléchir à ce qu'il faut faire et comment le faire. Nous voulons travailler avec les médias, par exemple avec la radio de telle sorte que ce qui se passe sur le site Web est également discuté dans les médias plus populaires et accessibles. L'objectif est de faire comprendre aux gens que, pour avoir un débat fructueux, nous avons besoin de connaissances de base. Nous entreprendrons bien d'autres activités, mais nous sommes franchement plus intéressés à faire très bien ce que nous faisons plutôt que de multiplier des activités que d'autres sont beaucoup plus outillées que nous pour mener efficacement. Et l'ambition de WATHI est d'être une plateforme permanente pour les idées et l'action pour les années et les décennies à venir. Il n'y a aucune raison de se précipiter dans de nombreuses activités et de faire trop de bruit.

TB: Comment les débats publics vont influencer l’élaboration des politiques?

GY: WATHI n'a pas l'ambition de changer les choses en quelques mois ou en un an. Nous en savons un peu sur les systèmes de mauvaises incitations qui empêchent les pays et les peuples d'Afrique de l'Ouest et au-delà, de faire des progrès plus rapides dans l'amélioration du bien-être collectif. Nous savons que les efforts sur une longue période sont le seul moyen de transformer les sociétés humaines, surtout quand il s’agit de le faire dans le bon sens. Nous voulons que de plus en plus de gens soient conscients des questions cruciales pour leur avenir et celui de leurs enfants afin qu'ils puissent apporter leurs propres idées de changement et qu’ils soient capables de faire pression sur les décideurs. En parallèle, nous voulons attirer les décideurs eux-mêmes dans les débats et dans la réflexion collective. Nous sommes déjà en train de constituer une base de données de femmes et d’hommes d’horizons et de compétences très divers, attachés à la région. Nous allons continuer à inviter les gens de bonne volonté à se joindre à l'aventure. WATHI est un état d'esprit avant d'être une organisation. L'inclusion et la participation ouverte sont des éléments clés de cet état d'esprit.

TB: Quel est votre modèle de financement?


GY: On ne peut pas prétendre travailler sur les questions que nous considérons cruciales pour le présent et le futur de la région et compter principalement sur les ressources extérieures à la région pour financer ce travail. La cohérence dans toutes les dimensions de l'initiative est importante pour moi, et cela inclut notre stratégie de financement. Nous voulons trouver un équilibre entre le soutien des donateurs traditionnels et le financement citoyen, constitué des contributions individuelles des personnes qui sont attachées à la région. Nous commençons nos activités avec des contributions financières des membres de l'association que nous avons créée, et comme nous nous n’avons pas de millionnaires dans nos rangs, nous nous lançons avec des fonds très limités. Notre priorité est la mise en place d'une petite équipe solide pour structurer la plateforme web et animer les rubriques principales. Nous avons soumis une seule demande de financement à un donateur à ce jour (une fondation privée). Nous allons continuer à identifier des bailleurs de fonds institutionnels potentiels. Mais nous sommes et resterons attachés à notre identité de think tank citoyen et participatif, et sommes prêts à payer le prix de notre désir d'indépendance. Nous n’avons pas à être une grosse organisation pour faire bouger les choses.

Entretien mené par Till Bruckner, chercheur indépendant et gestionnaire du plaidoyer pour Transparify.

Publié sur onthinktanks.org, 30 juin 2015
(http://onthinktanks.org/2015/06/30/the-on-think-tanks-interview-gilles-yabi-from-west-africa-citizen-think-tank/)

Traduction en français par Ousmane Aly Diallo, WATHI.

The On Think Tanks Interview: Gilles Yabi from West Africa Citizen Think Tank

Gilles Yabi is the founder of the West Africa Citizen Think Tank (WATHI), which is currently in the process of starting up. An economist by training, he previously worked as regional director for the International Crisis Group and as a journalist for Jeune Afrique. A native of Benin, he lives in Dakar, the capital city of Senegal. He is a prolific blogger and who describes himself as “obsessed with the state of Africa and its inhabitants over the next five decades”. WATHI’s website is scheduled to fully launch in September 2015.

Till Bruckner: You’ve worked for one of the world’s most prominent think tanks and you’ve written for the arguably most influential African publication. Isn’t setting up a tiny think tank a step backwards for you?

Gilles Yabi: No, it’s just a different phase in my professional life. It is actually more about citizen engagement and a certain idea of what is important in one’s life than about my career.  I thought there was no reason to wait for retirement age to start something I am excited about and to take risks. I first had the idea when I was a PhD student in France. I wanted to do something useful and original in the region, and a think tank in West Africa can still be original. The concept is new even to many highly educated people here, especially in the Francophone countries. What think tanks exist are largely concentrated in [Anglophone] Ghana and Nigeria.

TB: Why are think tanks less well known in Francophone Africa?

GY: Think tanks are rare here. In the French research tradition, academics usually do not aim to influence policy or do not want to do so openly. However, globalization is beginning to erode these differences in both political and research traditions. More Africans from Francophone countries have been studying in the United States and Canada and gotten exposed to new influences; they want to emulate the models they see over there. Thus, there is a rising interest in think tanks in the region, but it is largely driven by individual initiatives rather than by growing government demand for policy advice.

TB: Where do you see the gaps in the regional policy research landscapes?

GY: There’s been an underinvestment in tertiary education for decades across the continent, but especially in French speaking countries. For example, we’re currently having problems finding interns with masters degrees who can write a motivation letter in French without making three mistakes in the first paragraph. It is not their fault but the consequence of the failures of the education system in most of the countries of the region. Since the mid-1980s, internationally-supported economic and public finance reforms and the financial crisis have severely cut education budgets and remaining funds have been reallocated away from higher education. The problem goes beyond resources, though. There is a lack of strategic direction. National elites can send their own children abroad to get a good university education there, so they have neglected the sector. Changing the status quo would involve making some difficult choices and taking on powerful vested interests, which leaders are reluctant to do.

TB: How do you rate the public sector’s policy formulation capacity in the region?

GY: This varies a lot from country to country, and often within countries from one ministry to the next. Generally speaking, you don’t have structures that favour the development of good policies, so a lot depends on personality. When a good new minister takes over, you can often see significant improvements. Just bringing in two or three good people at the top can make a real difference. Changes may not be very complicated or sophisticated, it’s more about making small changes to get public administrations to basically function, like writing clear job descriptions so everyone knows what their role is. In some ministries, they don’t even have regular brainstorming meetings on real policy issues.

TB: How are policy decisions taken in such contexts?

GY: The very big decisions tend to be taken by the president, who in turn is influenced by his advisers, both official and unofficial. Some of these advisers may have personal interests of their own. Family members, including wives and other relatives, can also be influential. When it comes to smaller decisions that do not involve obvious political or financial risks and opportunities, technical teams within ministries can and do play a role.

TB: How can public policy formulation processes be improved?

GY: To see real change, we need institutional change. In particular, there needs to be a distinction between political and non-political appointees. For example, Ghana has a national commission in charge of overseeing the recruitment process of civil servants, which limits abuses and political appointments. In Francophone countries, too many positions are filled by political appointees and friends of friends of the head of state.

TB: In the United States, thousands of new political appointments are also made whenever a new president takes power…

GY: The U.S. has a large pool of people who can be partisan, competent and aware of the ethical requirements of serving public administration, so it works over there.

TB: And in West Africa, the pool of competent people is just too small?

GY: Human resources in African countries are far stronger today than they used to be, but they are still weak in comparison with the overall population, and given the challenges we face. We need more than that. It is not just about having PhDs and other higher degrees. What we need is larger parts of the population who are competent, or aspire to be competent, in the job they do. The reality is that many young gifted people still go to study abroad, and then they stay and work abroad. We cannot underestimate the effect of globalization on human resources. Highly educated people have more opportunities globally now. Even within their own countries, they can work internationally, for UN agencies or global NGOs such as Crisis Group (laughs). They may work as a minister or in very senior positions, but not below that level, not least because public sector salaries are lower than those paid by international NGOs, not to mention the UN. Incidentally, international organizations are an important factor in the weakening of the states in this region. We need stronger states, but that is impossible to achieve if the best trained and least corrupt people are not interested in working for the state.

TB: So why don’t you yourself go into government, rather than setting up a think tank?

GY: In a ministry, even if you are the minister, you may be able to make some changes but you can’t reform the political and administrative system and culture. Typically, in this region, ministers only stay in office for a year or so, then they get replaced. Those who want to do too many reforms tend to stay even for shorter periods. And anyone can expect to be [the next] minister if they have some kind of relationship with the president. That said, I have never been offered a position of minister, and I don’t think I have the qualities and experience for such a position.

TB: So where does your think tank come into this?

GY: The states and the societies in the region have to change. The systems have to change: political, economic, and educational systems, as well as systems of values. I’m setting up a think tank with a large group of friends and contacts because we need to put some issues on the table, those which we believe are crucial for the future of West Africa in particular. WATHI is not a typical think tank built on in-house experts in specific fields. The goal is to create a participative think tank, one whose objective is not to produce big sophisticated reports but rather to act as a filter for available knowledge that is useful and share it as widely as possible to stimulate debate and reforms. For example, maybe there’s a really relevant study on education in Malaysia out there, on public administration system in Sweden, or on vocational training in Costa Rica. We’d take this information, get the essence of it and make it accessible to a wider audience in French language if it has been only published in English. Access to knowledge in French is limited, and most people here don’t read English.

TB: Where does the ‘participative’ part come in?

GY: A centrepiece of our work will be a ‘Debate of the Month’. We have a lot of debate in this region but much of it is not productive because we tend to ask generic questions, disdain factual information and forget to ask and think about policy options and ways to make changes happen. For example, we discuss higher education without mentioning the inevitable hard choices involved in any possible reform effort given resource limitations. What WATHI will do is invite people from across West Africa to post contributions on the website, sharing facts, observations and suggestions for action. Every type of publication on the website will have its specific goal. For example, a space will allow retired civil servants, managers and others to share their personal experiences with the younger generations rather than just let their experience and knowledge disappear. We want WATHI to be a vehicle for knowledge sharing and collective thinking and action with no hierarchy between the contributors; and without losing sight of the concrete and peculiar challenges of the countries and peoples of the region.


GY: The web is the media of spontaneity. We want to use it to have a serious debate on a single big topic in the course of a month. We will provide background documents and disentangle the big topic into sub-questions. I don’t know if it’s going to work. If we don’t try, we’ll never know.

TB: Are you also going to try and directly influence policy through reports, briefings, press conferences, and other conventional think tank approaches?

GY: We’re going to influence things by putting issues on the table first and we’ll do that in a way that forces us to think about what to do and how to do it. We do want to work with the media, for example with radio so that what is going on on the website is also discussed in much more popular and accessible media. The aim is to get people to understand that in order to have a fruitful debate, we need knowledge. We will do other activities as well, but really, we are more interested in doing a few things very well than undertaking many actions that others are more equipped to do properly. And the ambition of WATHI is to be a permanent platform for ideas and action for years and decades. There is no reason to rush into many activities and make too much noise.

TB: How will public debates on policy influence actual policy making?

GY: WATHI has no ambition of changing things in a few months or a year. We know a bit about the systems of bad incentives which prevent the countries and the peoples of West Africa and beyond from making quicker progress in improving collective wellbeing. We also know that efforts over a long time are the only way to transform human societies, especially when it is for the good and not to destroy them. We want to get more and more people aware of the crucial issues for their future and for their children so that they will bring in their own ideas for change and put pressure on decision makers. In parallel, we want to draw the decision makers themselves into the debates. We are already building a network of professionals from all walks of life from across the region. We’ll keep on inviting people of good will to join the adventure. WATHI is a state of mind before being an organization. Inclusiveness and open participation are key components of that state of mind.

TB: What is your funding model?

GY: We cannot pretend to work on issues we say are crucial to the region and count primarily on resources from outside the region. Consistency in all dimensions of the initiative seems crucial to me, and that extends to the fundraising strategy. We want to strike a balance between traditional donor support and crowd funding with a particular emphasis on individual contributions from people who are attached to the region. We are starting with financial contributions of the members of the association that we set up, and we have no millionaires in our ranks for now.  So we are starting with quite limited funds and giving priority to building a small but strong team to run the website. We have submitted only one funding proposal to a donor to date. We’ll continue to look for institutional donors but as the citizen and participative think tank we want to be, we are also ready to pay the price for our desire of independence. We don’t have to be very big to do things I think.

[Editor’s note: This interview was conducted by Till Bruckner, independent researcher and advocacy manager for Transparify.]

Link to the original article: http://onthinktanks.org/2015/06/30/the-on-think-tanks-interview-gilles-yabi-from-west-africa-citizen-think-tank/